Le Visiteur
Auteur :
Éric-Emmanuel Schmitt
Edition : Actes
Sud-Papiers
Date : 1993
Résumé
Juin 1938. Les troupes
hitlériennes viennent d'envahir l'Autriche. Dans Vienne occupée, Sigmund Freud, vieux, malade, persécuté, inquiet pour le sort de sa
fille Anna, découvre que derrière l'énigmatique visiteur qui le
surprend dans son appartement se cache peut-être une incarnation de
Dieu. Entre le vieil homme désabusé, qui ne croit que ce qu'il
voit, et l'élégant personnage, spirituel et manipulateur, se noue
un étrange dialogue. A travers une intrigue quasi policière
ménageant suspense et rebondissements, la pièce aborde sur un mode
plaisant des questions philosophiques éternelles
Mon Avis
J'ai lu cette pièce par
pur hasard. Je ne savais pas de quoi elle parlait, ni qui était
l'auteur. J'avais juste remarqué que c'était une pièce de théatre
et, comme j'aime ça, j'ai décidé de la lire. Donc, j'ai ouvert ce
petit livre et ne l'ai plus refermé avant la dernière page.
Plusieurs registres
s'enlacent. En effet, cette pièce est tragique : il ne faut pas
oublier que la seconde Guerre Mondiale fait rage au moment de la
pièce. L'ironie est présente notamment quand Freud, ou sa fille,
s'adresse au Nazi. De même que le pathétique à l'évocation des
sentiments, et des moments de tendresse.
Comme écrit dans le
résumé, la pièce est basée sur une conversation entre Freud et un
personnage énigmatique que l'on peut supposer être Dieu. On ne saura
jamais qui il est vraiment. Ce livre n'a en aucun cas pour but
d'imposer l'existence, ou au contraire l'absence, de Dieu. L'auteur
laisse à chacun le loisir d'interpréter et de croire en ce qu'il
veut. Par contre cette pièce nous intéroge.
Vous l'aurez deviné, le
thème de ce texte est, plus que la religion, l'existence de Dieu.
Freud et l'inconnu ont une
conversation tantot mouvementé tantot tendre sur l'existence de Dieu
mais aussi sur l'Homme, sa façon de réagir à la religion, et au
monde actuel. Jamais un livre ne m'avais fait m'interroger autant sur
un sujet. Je pense que tout le monde devrait lire, si ce n'est pas ce
livre, un livre qui lui fasse se poser les bonnes questions sur la
religion et, surtout, sur l'Homme.
Cette pièce s'adresse à
tout le monde, que l'on soit croyant, pratiquant (ou pas), ou encore
athée on peut se retrouver dans cette conversation entre deux
esprits qui, à première vue, ne s'accordent en rien.
Cependant, il faut
attendre les 15-16 ans, à mon sens, pour pouvoir en apprécier
toutes les idées et critiques.
J'ai donc, en résumé,
adoré cette pièce de théatre que je recommande chaudement a
quiconque ayant une après-midi de libre et désirant réfléchir un
peu.
La pièce a été joué au
théatre, je vous la laisse donc ici pour que vous puissiez
l'apprécier :
(Elle est coupée en trois parties)
Extraits
« FREUD : (...)
Cinquante, soixante, quatre-vingt-deux? Qu'est-ce que cela veut dire?
ça n'a pas de chair, ça n'a pas de sens, les nombres ça parle de
quelqu'un d'autre. Au fond de soi, on ne sait jamais
l'arithmétique.
ANNA : Oublie les chiffres; eux ne t'oublieront pas.
FREUD : On ne change pas, Anna. C'est le monde qui change (...) c'est une conspiration des autres car au fond de soi on ne change pas. (...) »
ANNA : Oublie les chiffres; eux ne t'oublieront pas.
FREUD : On ne change pas, Anna. C'est le monde qui change (...) c'est une conspiration des autres car au fond de soi on ne change pas. (...) »
« L'INCONNU : (...)
Au début, vous vous féliciterez d'avoir tué Dieu. Car si plus rien
n'est dû à Dieu, tout revient donc à l'homme. Au début, la vanité
ne connaît pas l'angoisse. Vous vous attribuerez toute
l'intelligence. Jamais l'histoire n'aura vu des philosophes plus
noirs et cependant plus heureux. »
« L'INCONNU : et
lorsque je t'entendais dire que tu ne croyais pas en Dieu, j'avais
l'impression d'entendre un rossignol qui se plaignait de ne pas
savoir la musique. »
« L'INCONNU: (...) Il y a une part
divine en l'homme : c'est celle qui lui permet, désormais, de nier
Dieu. Vous ne vous contentez pas à moins. Vous avez fait place nette
: le monde n'est que le produit du hasard, un entêtement confus des
molécules : Et dans l'absence de tout maître, c'est vous qui
désormais légiférez. Etre le maître... ! Jamais cette folie
ne vous prendra le front comme en ce siècle. Le maître de la nature
: et vous souillerez la terre et noircirez les nuages : Le maître de
la matière : et vous ferez trembler le monde ! Le maître de la
politique : et vous créerez le totalitarisme : Le maître de la vie
: et vous choisirez vos enfants sur catalogue : Le maître de votre
corps : et vous craindrez tellement la maladie et la mort que vous
accepterez de subsister à n'importe quel prix, pas vivre mais
survivre, anesthésiés, comme des légumes en serre : Le maître de
la morale : et vous penserez que ce sont les hommes qui inventent les
lois, et au fond tout se vaut, donc rien ne vaut : Alors le Dieu sera
l'argent, le seul qui subsiste, on lui construira des temples de
partout dans les villes, et tout le monde pensera creux, désormais,
dans l'absence de Dieu. »
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